Livre « Mémoires de déportés »
Le livre « Mémoires de déportés » est un recueil de témoignages chronologiques et thématiques de Patrick Coupechoux, journaliste. Pour chaque chapitre, des historiens ont rédigés des introductions afin de nous apporter un minimum d’informations. Les déportés parlent tout d’abord de leur vie d’avant puis des politiques de répression, des persécutions et de leur arrestation. Vient les récits du transport, un aperçu de l’enfer qui les attend… Ils décrivent l’atrocité et la réalité des camps mais aussi la solidarité, le partage, l’entre-aide et la résistance. Ensuite, c’est les évacuations, les marches de la mort, la Libération, les temps d’attente et les retours, enfin. Il faut alors se soigner, se réadapter, se réinsérer, se réhabituer, surmonter. Revivre, malgré ce passé, ces images omniprésentes… et parfois garder le silence, pendant des décennies. Les temps d’après sont durs pour beaucoup dont les proches sont morts et qui se retrouvent seuls, perdus, endeuillés. C’est toujours avec une émotion vive que je lis ces témoignages de femmes et d’hommes rescapés. Je suis toujours consternée de ces assassinats programmés et de cette mise à mort industrialisée…
Extraits du livre
Daniel Urbejtel : « On m’a volé mon enfance… »
Roger Coupechoux : « La campagne est belle, les pommiers plient sous le poids de leurs fruits, dans les champs. De cette nature si attrayante, je tente désespérément de m’emplir les yeux et le coeur. (…) Tout nous appelle hors de ce train : la nature, le ciel bleu, la liberté et le désir de de reprendre les armes afin de participer aux ultimes combats. »
Roger Coupechoux : « Quand je pense, dis-je à Raymond, que c’est le cadavre d’un homme qui est ainsi traité… Jamais je n’aurai cru cela possible. Tout de même un mort, cela se respecte… »
Vicente Torres Ruiz : « Avec Mendez, nous parvenions à échanger quelques mots et nous nous disions que les Allemands avaient décidé de nous transformer en bêtes, et qu’il fallait à tout prix y résister. »
Simone Gournay : « Je commençais alors, tondue, vêtue grossièrement, dépouillée, à me sentir comme ces fantômes que j’avais aperçus le matin… »
François Perrot : « Un diction courait à Buchenwald et il était d’une grande clarté : « Ici, on entre par la porte, on sort par la cheminée » … »
« La dureté du climat continental, la faim, le travail forcé, la maladie, les tentatives de déshumanisation et d’atteinte à l’intégrité physique et mentale des personnes, les coups, la torture, la pendaison, les fusillades, les expériences « pseudo-médicales », l’angoisse de la mort sont la dure loi de l’univers concentrationnaire. Ils ont pour objectif de broyer les corps et les âmes. »
Louis Helfrieck : « Pour moi, c’était comme un cauchemar… La mort était là, toute proche… Les cheminées du crématoire fumaient sans cesse… Parfois, au retour du travail, nous passions devant un déporté qui avait été déchiqueté par les chiens des SS. Ils l’exposaient là pour que tout le monde puisse le voir. Après l’appel du soir, il y avait souvent des pendaisons. Le déporté était exécuté parfois parce qu’il avait volé un morceau de cuir pour mettre à sa chaussure, et il était accusé, pour cela, de sabotage. Ils lui mettaient la corde autour du cou, et ils donnaient un coup de pied dans le tabouret. Nous devions alors défiler devant lui. »
Jacques Grancoin : « Au camp, la mort est une compagne de tous les jours. Les gars qui meurent sous les coups, le copain que l’on retrouve au matin, sur le châlit, allongé sur le bas flanc, figé, raide, ou celui, trop faible, qui ne part pas travailler et que l’on ne retrouvera pas le soir… »
Jérôme Scorin : « Je me revois dans ces immondices et je me dis que, décidément, la faim peut conduire l’homme au pire… »
Léa Rohatyn : « Je crois que la survie tient du miracle… Au début, on n’a plus envie de vivre, on se dit à quoi bon ? Puis, l’on s’adapte : ou l’on vit, ou l’on s’assoit par terre pour mourrir. »
Léa Rohatyn : « Je me souviens d’une amie, une Juive allemande qui vivait à Paris, et qui était enceinte. Ils l’ont emmenée dans un petit block où ils l’ont nourrie avec de la semoule jusqu’à son accouchement. Puis ils lui ont donné le bébé pour qu’elle l’allaite et un jour, ils lui ont retiré et ils l’ont jeté contre le mur. Elle n’a pas pu résister, elle a cessé de lutter peu après. »
Léa Rohatyn : « J’avais la sensation d’être une morte dans un autre monde. Avec pourtant ce sentiment persistant, au plus profond de moi, que peut-être, par miracle, j’allais survivre, ou que j’allais mourir d’une autre façon… Cet état n’existe pas dans la vie humaine normale. »
Frania Eisenbach Haverland : « Les gens parlaient d’Auschwitz, et ils disaient : « On y entre par la porte et l’on en sort par la cheminée » … »
Frania Eisenbach Haverland : « Un matin, en allant à la douche justement, nous avons croisé un groupe de gens qui avaient été sélectionnés pour la chambre à gaz. Une femme de ce groupe s’est alors retournée, elle a fait un signe et elle nous a lancé en polonais : « Si vous survivez, racontez au monde ce qu’ils nous ont fait. » Après la guerre, pendant des années, je n’ai jamais rien raconté, mais je pensais toujours à elle, comme si je lui avais fait une promesse. »
Jacqueline Houly Brin : « Lorsqu’ils ont ouvert les portes, au bout de quatre jours, j’ai cru être arrivée en enfer. Les chiens qui aboyaient, les SS, avec leurs bottes et leurs cravaches, qui gueulaient – il n’y a pas d’autres mots – et qui tapaient sur les gens pour les faire descendre plus vite, l’immense quai de Birkenau et, au-delà, une étendue déserte, de terre battue, morte, sans arbres, les fils de fer barbelés, et des gens totalement ahuris que j’apercevais dans la folie hurlante de la descente… C’était vraiment apocalyptique… »
Mariono Constante : « Au début, la solidarité a pris la forme de mille petits gestes, mais qui, dans ce contexte, étaient d’une importance capitale. »
Jérôme Scorin : « Un jour, au réveil, je me suis aperçu qu’un morceau de chair manquait à la cuisse du mort qui était allongé près de moi. Je n’avais rien vu, rien entendu, mais dans la nuit, on était venu prendre ce morceau de viande pour le manger… Je l’ai aussitôt montré à Martin qui m’a seulement répondu d’un « oui » sans émotion. Un tel fait entrait-il donc dans le cour normal des choses ? Dans une certaine norme ? Etait-ce l’aboutissement logique de ce que nous avions vécu ? Probablement, nous étions parvenus au pire du pire. J’étais horrifié parce que je pensais que, cette fois, nous étions retournés à l’état sauvage, à la barbarie… Je me suis également dit que si j’étais mort dans la nuit, ils m’auraient mangé, moi aussi… »
Jérôme Scorin : « Durant ces cinq terribles jours, nous avons marché. Comment ? Je ne saurais le dire. Mécaniquement, inconsciemment, avec seulement la volonté de mettre un pied devant l’autre. Mais jusqu’où ? Jusqu’à quand ? Nous ne nous posions même pas la question. Il fallait tenir, c’est tout… »
Frania Eisenbach Haverland : « Je me écroulée sur un châlit, je ne pouvais plus bouger. C’est alors que, une fois couchée, j’ai vu qu’à la place de mon ventre, il y avait un trou, avec deux os qui pointaient de chaque côté. »
« Le retour à la liberté nécessité une réadaptation, longue parfois. (…) Il fallait qu’ils se reconstruisent, qu’ils réapprennent à vivre en étant séparés de leurs camarades, enfin qu’ils surmontent le souvenir de l’horreur qui n’est pas imaginable par ceux qui ne l’ont pas vécue. »
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