Témoignage : « J’ai choisi d’être libre »
J’aime les romans mais surtout les récits historiques et les histoires vraies, les témoignages. C’est pour cette raison que j’ai sélectionné « J’ai choisi d’être libre », un témoignage de Henda Ayari. Depuis 2006, elle a décidé de fuir le salafisme, cette « organisation religieuse et sectaire » qui la détruisait peu à peu. En 2015, choquée par les attentats terroristes qui ont touché Paris, elle décide de partager son combat au public, sur les réseaux sociaux. Les photos et son écrit ont entraîné d’importantes réactions, des bonnes comme des mauvaises (insultes, menaces de mort…). Son livre écrit en collaboration avec la journaliste Florence Bouquillat est publié en 2016. Elle y raconte son histoire : ses parents et son enfance, son premier voile, son mariage, ses doutes, ses erreurs, ses peurs, son déclic, ses joies et ses victoires.
Elle a également écrit un second livre : « Plus jamais voilée, plus jamais violée » (2018). Il fait suite au mouvement #MeToo et à la dénonciation de son agresseur. Un parcours difficile qui a mené Henda Ayari à être aujourd’hui auteur, conférencière et fondatrice de l’association Libératrices (Rouen), destinée à soutenir les droits des femmes. Une main tendue aux femmes qui choisissent la liberté !
Extraits du livre
« J’écris pour toutes celles qui fréquentent les hôpitaux psychiatriques plus souvent qu’à leur tour. Je dédie ce livre à celles qui errent de foyer en foyer parce que leurs deuxième, troisième, ou quatrième mari les ont répudiées. A celles dont les enfants sont placés en famille d’accueil par l’aide sociale et dont on finit par donner la garde aux pères. J’écris pour toutes ces femmes fragiles, qui entrent en salafisme comme on entre au couvent, qui pensent faire don d’elles-mêmes à Dieu, persuadées comme je l’étais que là est la voie pour accéder au paradis. J’écris pour celles qui épousent un barbu dont elles ignorent tout, un mari qu’elles acceptent, et même qu’elles recherchent, parce qu’elles le trouvent beau : il ressemble au prophète Mohammed, il sera donc bon, et juste. J’écris pour toutes celles qui entrent dans la secte salafi, qui se coupent du monde en obéissant aux ordres grotesques de gourous illuminés, vaniteux, imbus d’eux-mêmes, persuadés que la Vérité leur appartient. Pour toutes ces femmes qui sont coupées, ou se coupent elles-mêmes de leur famille, de leurs amis, de la société. Qui vivent à la façon de Sunnah (l’imitation des actions du Prophète), qui mangent assises par terre, parce que le Prophète mangeait assis par terre, qui ne sortent qu’avec leurs maris, leurs frères, leurs pères, les fils de leurs frères, etc. Qui ne regardent jamais un homme dans les yeux, qui se cachent dans la cuisine quand les amis de leurs maris arrivent, qui ne travaillent pas, qui ne font pas de sport. Celles qui ne doivent montrer ni leurs cheveux, ni leurs sourcils, ni leurs pieds, ni leurs mains. Celles qui se font happer puis broyer par un système entièrement fabriqué par les hommes, et entièrement dévolu aux hommes.
Mais j’écris aussi pour celles qui, comme moi, ouvrent un jour les yeux. Celles qui disent non au niqab, non au jilbab, non à une pratique rigoriste de l’islam. Car je ne suis pas un cas unique : d’autres que moi ont un jour repris en main les rênes de leur vie, d’autres ont compris que le salafisme est une secte, et ont réussi à s’en sortir. »
« Depuis bientôt dix ans, j’ai repris ma liberté, elle m’a coûté cher, j’ai beaucoup souffert mais cela en valait la peine, et j’en suis fière. Aujourd’hui je m’habille et je sors comme je veux. Je revendique ma féminité, sans en faire une arme. Je ne me juge pas féministe mais défenderesse de la liberté de la femme. Je me considère comme une survivante et une combattante. Je suis toujours debout. »
« Une femme doit être active quoi qu’il arrive, l’isolement est pire que tout. »
« Au cours de ma vie, j’ai souvent été naïve et influençable. Je sais parfaitement maintenant décrypter la façon dont j’ai été aspirée par le salafisme, et aussi comment on peut, tout seul, s’autoradicaliser, sans même sortir de chez soi, sans aller à la mosquée. »
« Or, c’est bien dans cette démocratie que j’ai trouvé tous mes soutiens, et la plupart de ceux qui m’ont aidée n’étaient pas musulmans. Ils étaient français ou étrangers, chrétiens, juifs, athées, agnostiques, bouddhistes, hétérosexuels, homosexuels. Ces hommes et ces femmes, qu’auparavant parfois je rejetais au nom de ma religion, m’ont ouvert leur coeur et tendu la main, lorsque j’étais au plus bas. Qu’ils en soient ici remerciés. Ils m’ont appris que la générosité n’a pas de religion. Ils m’ont appris que nous sommes tous des êtres humains quelles que soient nos différences. Que nous pouvons avancer et grandir tous ensemble. Ils m’ont appris la tolérance et à m’ouvrir au monde. »
« Je m’appelle Henda, et j’ai fait un long chemin : du salafisme à l’humanisme… »
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